Pierre-Antoine est médiateur au collège Saint Luc – Jeanne d’Arc de Cambrai. Il a accepté de répondre à nos questions.
Peux-tu te présenter et nous dire ce qui t’a décidé à accepter ce rôle ?
P.A. : Je m’appelle Pierre-Antoine. J’ai 14 ans. Je suis élève de 4ème au collège Saint Luc – Jeanne d’Arc de Cambrai. J’ai été sollicité par mon professeur principal et le Cadre éducatif qui considéraient que j’avais les qualités requises pour cela.
Peux-tu préciser ces qualités ?
P.A. : C’est essentiellement parce que j’ai un bon contact avec tous les élèves et que j’ai la réputation d’être sérieux….
Et tu as accepté facilement ?
P.A. : Oh ! Je me suis posé pas mal de questions avant d’accepter. Est-ce que je serai vraiment capable de gérer des conflits entre élèves ?
Parle-nous de la formation.
P.A. : Nous étions un groupe de 11 ou 12. C’est Monsieur Michel Blanc, directeur de l’association « Concept – Médiation » et lui-même médiateur professionnel qui a assuré cette formation.
Elle a duré une douzaine d’heures prises sur nos temps de cours au collège. Il y a eu deux volets : d’une part des éléments théoriques ; et d’autre part, une dizaine de médiations fictives sur des conflits inventés par le formateur, et observées et analysées par tout le groupe.
Quels éléments théoriques ou quels principes retenus pourrais-tu citer ?
P.A. : Bien sûr, l’essentiel est de savoir garder un secret. Puis, nous avons eu des références au code pénal, notamment sur les devoirs des parents envers leurs enfants. Et nous avons tous été marqués par « l’armoire à squelette ».
C’est-à-dire ?
P.A. : Cela veut dire que lorsqu’on est face à un conflit et qu’on veut assurer la médiation, il faut refuser toute référence à des affaires antérieures. On ne ressort rien du passé. Seul le présent du conflit doit être pris en compte.
Et en fin de formation, que se passe-t-il ?
P.A. : Nous avons passé un petit examen devant un jury composé du directeur, du Cadre éducatif, de ‘adjointe de direction, où toutes les références théoriques devaient être connues. Et puis, il y a eu aussi une médiation fictive faite par quelques-uns d’entre nous.
Ensuite, nous avons reçu un diplôme officiel, en présence de différentes personnalités du collège et même de la ville, mais aussi de nos parents, lors de la journée ‘Portes ouvertes’ du collège. Et nous avons prêté serment de confidentialité et de neutralité. Je dois reconnaître que c’était assez impressionnant.
Depuis cette prestation de serment, as-tu eu l’occasion d’assurer une médiation ? Et si oui, que peux-tu nous en dire, tout en respectant bien sûr la confidentialité. ?
P.A. : Oui, j’en ai eu l’occasion. C’est le Cadre éducatif qui propose à deux jeunes qui sont en conflit d’essayer de gérer celui-ci, à l’aide du médiateur. Lorsque le Cadre éducatif les conduit vers moi dans un lieu neutre et discret, je les accueille, leur serre la main. Je me présente et nous nous installons en formant un triangle équilatéral pour bien signifier qu’il n’y a pas de place privilégiée, pas de préférence. Mon rôle est d’essayer de les re-mettre en accord.
Je dois prendre en compte toutes les phrases dites par l’un ou par l’autre (sous réserve qu’elles concernent bien le conflit – cf. l’armoire à squelette). Et je vérifie que l’autre confirme que les faits sont bien conformes à ce qui a été vécu. Je dispose d’un document ‘officiel’ de médiation où je note tous ces éléments énoncés avec la mention : ‘ils sont d’accord’ ou ‘ils ne sont pas d’accord’.
À la fin de la médiation, j’essaie d’obtenir les modalités de leur réconciliation. Exemples :
· On se dit bonjour
· On ne se dit plus d’insultes
· …..
Et je transmets l’accord de médiation au Cadre éducatif qui juge si l’affaire est classée (c’est le cas si un vrai accord est signé) ; ou si au contraire, il y a une suite à donner, voire une sanction.
Il me faut également dire que si j’apprends quelque chose de très grave durant la médiation, je peux être amené à le dire au Cadre éducatif, sous réserve que l’élève en soit d’accord. Ou je dois essayer d’obtenir que l’élève lui-même en parle au Cadre éducatif, au directeur ou à un adulte en qui il a confiance.
En ce sens-là, notre rôle peut être essentiel.
Le temps de médiation peut être d’environ quinze minutes, mais ça peut varier.
Je précise aussi que la médiation pourrait dans certains cas être menée par un binôme de médiateurs, par exemple si ils ne se sentent pas prêts à la faire seuls.
Qu’est-ce que tu ressens, toi, en tant que médiateur ?
P.A. : C’est le sentiment de rendre service, d’être utile dans le collège.
Et les élèves qui viennent en médiation ?
P.A. : Je crois qu’ils ont le trac. Il faut qu’ils acceptent le principe. Mais échapper à une sanction, ça peut les motiver à accepter de jouer le jeu de la médiation !
Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Félicitations de cet engagement auprès des camarades et du collège. Et nous terminons en citant la première partie d’une béatitude : «Heureux les artisans de Paix »
propos recueillis par Emmanuel Bastien