Laurence en Corée

Des nouvelles de Laurence Vasseur, serviteurs de l'Evangile.

 

Sur la page http://ester-palma.magix.net (rubrique "COREA mayo-junio 2006"Photo 051 Photo 051  ) vous verrez quelques photos du mois de mai et juin.

 

   “Je n’ai pas de pain cuit ;

je n’ai qu’une poignée de farine dans une jarre et un peu d’huile dans une cruche ....

Ne crains rien, car ainsi parle le Seigneur :

“Jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra

Jusqu’au jour où Dieu enverra la pluie sur la face de la terre”

Et la jarre de farine ne s’épuisa pas et la cruche d’huile ne se vida pas,

selon la parole que le Seigneur avait dite par le ministère d’Elie.

(1 Rois 17, 12-16)

“Comme il était à table avec eux, Jésus prit le pain,

dit la bénédiction, puis le ROMPIT et le leur donna.

  Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ...” (Lc 24, 30-31)

 

Séoul, 27 juin 2006

Annyonghasseyo !

Bonjour à tous,

 

Comment allez-vous … après autant de semaines de silence? Depuis ce midi, nous sommes “en vacances” pour quelques jours avant de reprendre les cours de coréen du mois de juillet!  Depuis la dernière lettre il y a tant de choses à vous raconter … Ce sera donc plutôt un “mini journal” du mois de juin … avec pour “clés de lecture” ces Paroles de Dieu très “sages” …

 

Comme vous le savez, nous avons commencé les cours de langue le 1er juin – voilà la raison d’un si grand silence !!! … et des fautes de français que je ferai certainement dans cette lettre … quel mélange linguistique! - Nous allons toutes les trois dans une Académie (c’est une école spécialisée dans l’enseignement du coréen pour les étrangers, K.E.C.C. Korean Language Education Cultural Center, www.edukorean.com  … si ça vous dit de découvrir les “difficultés” du coréen, c’est leur page web!) ; chaque matin pour y aller nous traversons le Fleuve Han qui coupe la ville de Séoul en deux … Nous habitons au nord et l’école se trouve au sud.  Cette immense rivière est celle qui a été témoin de la mort de milliers de martyrs au XIXème siècle.  Je crois que je vous avais déjà parlé du sanctuaire de Jeoldusan (qui littéralement signifie “la montagne des têtes coupées”) où nous avions été prier un des premiers jours de notre arrivée en Corée, ce sanctuaire se trouve le long du Fleuve Han. 

 

Avec les cours chaque matin, nos journées ont été bien rythmées!  Ici à la résidence étudiante, nous avons le petit-déjeuner à partir de 7h30 (nous nous sommes parfois levées à 6h00 pour participer à la messe avec les Soeurs de la résidence, mais j’ai fait l’expérience un peu décourageante qu’après, pendant la matinée je perdais complètement les pédales au cours!  Le coréen demande une telle concentration !!!).  Aprés le p’tit déj. nous avons plus ou moins une heure pour prier, lire ensemble les lectures du jour – et comme ça être en communion avec toute l’Eglise du monde entier qui lit les mêmes Paroles de Dieu – et avoir un temps de silence avant le “brouhaha” ininterrompu des journées coréennes!  Certains jours de “grâce spéciale”, l’une des trois préparait des mini-pistes de prière pour nous aider à vivre les aventures de la journée …

 

Ensuite, “course contre la montre” pour aller jusqu’à notre école qui se trouve à environ une heure de trajet de chez nous! C’est plus ou moins le temps normal qu’il faut compter à Séoul pour se déplacer d’un endroit à l’autre. D’abord dévaler la pente jusqu’à l’arrêt de bus, puis 15 min. de bus, et enfin l’entrée dans le métro qui est toujours une aventure!  Même si nous le prenons vers 9h20, il y a encore beaucoup de monde … et la technique pour entrer dans le wagon, c’est de pousser pour que tous puissent entrer!  Alors on entre à reculons … et finalement en se casant, il y a de la place pour tout le monde!  Il faut donc toujours se dépêcher, “palli-palli” comme disent les Coréens, sinon on risque d’arriver en retard au cours!  Vous imaginez les fous rires qu’on a souvent, parfois les moments d’angoisse si l’une de nous n’entre pas … mais, bon, ce mois-ci nous sommes toujours arrivées à bon port et avec toutes nos affaires!  Parce que ça aussi c’est un autre sport : ne pas égarer son sac dans la cohue, ne pas oublier son parapluie (maintenant que la saison de la mousson a commencé) …!  Donc quand nous arrivons à l’école, on est bien réveillées!  Parfois les gens nous demandent si nous faisons du sport ici à Séoul…, sincèrement, je crois qu’on peut dire que oui!

 

Nous avons eu une jeune professeur (elle continuera à nous donner cours en juillet) très sympathique, avec un grand sens de l’humour … bien nécessaire avec des apprentis en langue coréenne comme nous!  On s’imagine à peine les bêtises que nous avons pu dire en classe, les sons du coréen se ressemblent tellement!  Entre une syllabe qui se termine par “n” ou “ng” … c’est pas très different pour nous occidentaux, mais le sens des mots peut complètement changer!  Nous étions 13 élèves : 3 japonaises. 2 chinois, un philippin, une russe mariée à un coréen, un écossais, un américain (U.S.A. mais dont les grands-parents sont chinois!) et puis nous trois.  Entre tous l’ambiance était très bonne, sans compétitivité ; la prof nous faisait beaucoup participer, en parlant, en faisant des jeux avec les 3 ou 4 mots appris …  En un mois qui est très vite passé, on a appris énormément!  Même si c’est presque trop, et on a besoin de plus de temps pour assimiler lentement les choses.  Il y a un mois je ne savais presque rien lire – c’est pour ça aussi que les balades dans le quartier ou en ville étaient super fatigantes, parce qu’ici les rues sont remplies partout partout d’affiches, de panneaux, de publicités, et même si tu ne veux pas les voir, ils te sautent aux yeux!  Et quand tu ne peux rien lire … c’est exténuant! – et maintenant on peut tout lire, à la vitesse des tortues pour moi! (comme les enfants de première primaire qui apprennent à lire …), on connaît toutes les lettres de l’alphabet coréen … mais il faudra encore beaucoup de temps pour comprendre ce qu’on lit!

 

Le premier jour de classe, il a fallu qu’on écrive notre nom en letters coréennes pour que les autres puissent le lire et nous appeler par notre nom.  Quel problème pour trouver comment écrire le mien!  Il y a eu deux versions : la 1ère ça donnerait “lo-ra-seu” et puis la 2ème je l’ai découverte en étudiant le vocabulaire des noms de pays … grâce à la France!  Et oui!  Quand j’ai écouté comment le mot “France” résonne aux oreilles des Coréens, j’ai trouvé comment prononcer mon nom!  Ca donne : lo-rang-seu (comme “France” se dit : Pheu-rang-seu)!  La 2ème version a convaincu la prof, donc vous savez comment m’appeler maintenant en version coréenne!  Des aventures comme celle du prénom nous en avons eues tous les jours …

 

Comment étudier le vocabulaire?  A partir de quelle langue?  L’anglais qu’utilise parfois la prof pour nous expliquer les choses?  L’espagnol qui est notre langue commune ou le français?  Une difficulté en plus c’est que les mots s’écrivent en coréen, donc encore faut-il bien les prononcer pour bien les mémoriser!  Parfois un petit trait change dans l’écriture et la lettre est différente, ce n’est pas un “a” mais un “o” ouvert, différent du “o” fermé … Voilà la patience que Dieu travaille en nous pour petit à petit mettre tous ces sons et ces mots dans la tête!  Hier nous avons eu notre premier examen … J’ai cru que ma tête allait vraiment exploser à la fin de la matinée!  Comme je suis super lente pour lire, comprendre de quoi il s’agissait dans l’exercice à faire … je pensais ne jamais finir, mais la prof nous a laissé quelques minutes en plus pour au moins finir ce que à quoi nous pouvions répondre.  Aujourd’hui on a reçu les résultats, c’était pas trop mauvais!

 

La conclusion après ce 1er mois de cours, c’est qu’il faut étudier chaque jour …, lentement pour assimiler toutes ces constructions de phrases qui sont complètement à l’envers de nos langues occidentales!, les différents niveaux de langage (par ex. il existe un vocabulaire différent pour certains mots quand on s’adresse à des personnes plus âgées – langage honorifique - : le mot “riz” se dit autrement à une grand-mère qu’à un enfant ; et ainsi de suite dans la conjugaison …) … Et nous en sommes au début!

 

Comme on le disait à la Pentecôte, quel mystère que Dieu ait voulu autant de variété parmi ses enfants du monde!  Quelle richesse chaque langue (même si c’est parfois un vrai casse-tête!), chaque culture, chaque paysage …

 

Mais quand même, le mois de juin n’a pas été uniquement l’école, l’école et l’école! Au coeur d’une ville tellement grande comme l’est Séoul, on a eu encore plein de rencontres providentielles!  Un jour en revenant de la messe, on tombe sur un missionnaire irlandais, le P. Donald, qu’on avait rencontré le jour où toutes les Ctés religieuses s’étaient présentées … Ce soir-là. il était avec trois religieuses coréennes, des Petites Soeurs de Jésus (de Charles de Foucauld)!  Il faut le faire, se revoir comme ça dans la rue … Une des 3 soeurs, Sophia, parle le français … On va bientôt se retrouver chez elles pour partager ; ça nous intéresse beaucoup de connaître leur manière de vivre l’Evangile ici, au sein de l’Eglise de Corée, parce qu’elles ne travaillent pas dans les paroisses comme presque toutes les congregations religieuses coréenes le font.  D’autres jours nous nous sommes retrouvé avec des femmes coréennes qu’Ester avaient rencontrées l’été dernier ici (l’une d’entre elles veut nous aider à étudier le coréen, et un jour elle avait invité au rendez-vous d’étude deux de ses amies, dont l’une parlait aussi le français!  Alors ce jour-là on a pu éclaircir beaucoup de mystères … parce que nous avions une traductrice!).  Et puis il y a eu l’excursion en montagne avec Peter (notre ami séminariste, vous vous souvenez?) et ses deux soeurs, Claire et Gema !! A à peine une demie-heure de minibus de notre résidence, on se trouvait en pleine montagne!  C’est comme ça partout à Séoul!  Nous avons marché plusieurs heures au milieu des bois … et au milieu des gens aussi! parce que c’était un jour férié et les habitants de Séoul profitaient aussi de cette journée pour faire de la marche! 

 

Même si on ne parle pas encore le coréen, nous avons déjà une grande famille d’apostolat!  On doit même refuser des rendez-vous pour pouvoir étudier …

 

Le moment le plus émouvant pour nous  été la “visite” à la frontière entre la Corée du Nord et du Sud, à la hauteur du 38ème parallèle.  A un peu plus d’une heure et demie de Séoul, on se trouve en face d’une situation incroyable … A peine quelques kilomètres (3,2 km … et même seulement 360 mètres à l’endroit le plus étroit) séparent le Nord du Sud.  Là où nous sommes allées, c’est la rivière qui sépare les deux pays.  Au Sud, ils ont construit un observatoire – l’Observatoire de l’unification – où l’on peut voir l’autre côté de la rivière qui appartient au Nord … Il y a un musée qui explique très bien la situation, toutes les étapes du chemin de la “réconciliation” depuis la guerre de Corée (de 1950 à 1953) … avec des photos, des maquettes, des vitrines où l’on peut voir des objets ramenés du Nord par ceux qui s’en sont échappé … Sur une plateforme, on peut regarder avec des longues-vues et observer l’autre rive … On y voit quelques immeubles très pauvres, mais qui sont – d’après les dires des gens de l’observatoire – une pure façade pour faire croire qu’ils vivent bien, dans des immeubles modernes comme dans le Sud.  On ne voit presque personne bouger, personne dans les champs en train de travailler … A plusieurs centaines de mètres, il y a des montagnes qui cachent la réalité qui se vit de l’autre côté de la frontière …

 

En voyant tout cela, en étant tout simplement là debout devant les barbelés (qui marquent la zone démilitarisée de 4 km de large entre Nord et Sud) … c’est comme si je n’arrivais pas à le croire!  Comment des frères, des hommes et des femmes, des jeunes, des enfants, peuvent-ils être à ce point isolés, coupés du reste du monde? … et si près d’ici …  Ce jour-là, c’était celui où l’Eglise universelle célébrait la Fête du Corps du Christ.  Dans la prière au retour je disais à Jésus : Seigneur, en Toi cette situation doit avoir un écho super fort.  Tu as ROMPU TON CORPS pour rétablir l’unité entre les hommes.  Tu as fractionné ta Vie pour qu’en nous le fruit soit l’UNITE, la COMMUNION, et nous vivons encore tant de divisions dans le monde … Je sens qu’humainement je suis hypersensible à la separation, à l’éloignement, à la division, et la visite à la frontière des deux Corées m’a profondément remplie de tristesse, simplement en imaginant l’enfer que doivent vivire ces frères du Nord, mentalisés, séparés … Seigneur, Toi Tu nous as envoyées ici, en Corée du Sud, 3 pauvres Serviteurs de l’Evangile, pourquoi?  Pourquoi nous?  Pourquoi maintenant? Pourquoi justement ce WE du Corpus Christi Tu nous as fait voir et sentir cette situation?  Ton Amour tellement caché dans le silence de l’Eucharistie, qui paraît si faible et si impuissant, est plus fort que la force des hommes, face à toutes ces situations du monde, je desire le croire et le prier.

Une image qui me reste parmi tous les impacts de cet après-midi …, c’est celle d’une petite fille en train de dessiner sur une feuille sa demande de la réunification des deux Corées.  Les adultes signaient des pétitions … et elle faisait un dessin …  La soeur qui nous accompagnait dans la visite nous disait que lorsqu’elle était petite, à l’école, on leur inculquait la haine du Nord, la peur de la guerre, des attaques … Heureusement maintenant on enseigne aux enfants du Sud le désir de l’union, de la réconciliation … Tant de familles ont été séparées depuis la guerre, depuis qu’a été dessiné ce trait  du 38ème parallèle sur le territoire coréen.  Un prêtre qui vient célébrer la messe ici était dans le Sud lorsque la guerre a éclaté.  Il était étudiant, et n’a plus jamais pu revoir sa famille.  Il ne sait rien des siens, a fait de nombreuses demandes pour les rechercher et les revoir (parfois les deux gouvernements organisent des visites-retrouvailles des familles séparées), mais on lui a toujours répondu négativement.  Vous imaginez la douleur … depuis plus de 50 ans …

 

Pour tout cela, il y a une phrase de la messe qui me touche particulièrement depuis que nous sommes en Corée : Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise répandue dans le monde entier … Souviens-toi de ton humanité, de tous les tiens, de ta famille … Une supplication qui jaillit naturellement de ton coeur quand tu vois des situations aussi dramatiques … Seigneur, que personne ne se sente abandonné, que le désespoir ne soit pas plus fort dans le coeur de ces frères séparés que la petite flamme de ta Présence … Seigneur, souviens-toi aussi de nos familles, des situations difficiles qui nous font souffrir … A ce moment de la messe, je pense toujours à chacun de vous, à chacun des “miens” … que le Seigneur n’oublie pas, Il se souvient!  Sa mémoire est bien meilleure que la nôtre pour retenir les mots en coréen!!

 

Bon, je vais vous quitter …, parce que sinon cette lettre ne partira jamais … Heureusement qu’il ne faut plus attendre le prochain bâteau pour l’Europe – comme du temps de St François Xavier – pour s’assurer que le courrier arrive à bon port … Il y aurait encore pourtant tant d’anecdotes à vous raconter … : l’ambiance de “folie” ici pour la Coupe du monde de foot, les 700.000 personnes réunies au centre de Séoul pour voir ensemble les matchs sur grand écran, les fêtes un peu partout, les vacances qui commencent pour les étudiants entre deux semestres, … vous dire combien on s’habitue à la nourriture coréenne, de plus en plus au kimshi et au sucré-salé …

 

A bientôt, en juillet les cours continueront … J’essaierai de vous écrire plus régulièrement …

Merci de nous accompagner dans la prière et dans vos vies, de vous “souvenir”,

Merci d’être vous aussi des témoins de “l’Amour ROMPU” de Jésus là où vous êtes,

En union très forte, Laurence

 

Article publié par emmanuel canart • Publié le Dimanche 02 juillet 2006 • 2630 visites