Marie Payen, responsable de Jeunes Cathocambrai, évoque dans cet article le lien entre son travail de vitrailliste et sa mission pour la pastorale des Jeunes du Diocèse de Cambrai.
Pastorale Jeunesse et vitraux
Par Marie Payen, vitrailliste
«Pourquoi le vitrail? Ça te vient d'où?». C'est une question que l'on me pose fréquemment, parce qu'être vitrailliste, ce n'est pas une activité banale. Le vitrail, c'est quelque chose «d'extraordinaire» au sens premier du terme: qui sort de l'ordinaire.
Car même s'il vous revient, en tant que vitrailliste, de choisir les formes et les couleurs du vitrail que vous créez, il y a dans l'art du vitrail une transcendance plus présente, me semble-t-il, que dans d'autres formes d'art: si vous pouvez décider vous-même de l'éclairage d'un tableau, de l'interprétation d'une musique, d'un phrasé d'un poème, vous ne pouvez décider de la lumière qui traversera votre vitrail. N'avez-vous jamais été émerveillé, non pas par un vitrail lui-même, mais par la trainée de couleurs qu'il laisse dans une église lorsque le soleil le traverse ? C'est cet effet qui m'a conduite à cet art. Lorsque j'étais volontaire pour la communauté de Taizé (en Bourgogne), il y avait lors de la prière du matin chaque jour un éclat de lumière provenant de l'un des vitraux de l'église. Pour moi, c'était comme un signe de Dieu qu'à travers sa lumière, il était présent dans notre prière. Cela m'aidait véritablement à prier!
Alors, après mon temps de volontariat, cherchant comment je pouvais transmettre à mon tour ce que j'avais reçu, je me suis tournée vers les deux choses qui m'ont le plus marquée à Taizé l'accompagnement des jeunes à découvrir la présence de Dieu dans leur vie, et l'inspiration de Dieu pour essayer de mettre un peu plus de beauté dans le monde. Dans mon travail, aujourd'hui encore, les deux sont liés. Il y a une véritable volonté pour moi de dire quelque chose de Dieu à travers mes vitraux. Par des petits détails, des symboles, des allusions... toute une catéchèse est rendue possible. Lorsque je crée un vitrail, c'est pour moi comme une forme de prière. Je réfléchis à ce que j'ai envie de faire passer comme message, aux moyens que je peux mettre en œuvre pour y arriver.
Dans cette représentation de l'Annonciation par exemple, il y a un petit détail qui échappe parfois, et qui 
questionne souvent ! Le triple rayonnement lumineux venant de derrière l'Ange représente bien sûr la Trinité. Vous voyez, à la frontière du rayon central, ce petit carré rouge dans le ventre de Marie? le rouge est la couleur de la divinité, de la royauté, de l'amour (mais aussi, pour plus tard, de la Passion et du sang). Jésus est déjà présent en Marie lorsque l'ange vient la visiter. Parce que dans son fiat, Marie ne dit pas «oui» ou «non», Marie a une confiance en Dieu bien plus profonde qu'un oui ou qu'un non. Marie est «la servante du Seigneur»: elle a confiance en Dieu, quel que soit son plan : alors Dieu est déjà à l'œuvre en elle. Cela permet de parler de la confiance avec les jeunes, qui est un sujet parfois difficile à aborder. Mais justement, la conflance, c'est ce qui permet de conduire à des relations saines et sereines.
Dans cet autre vitrail, il y a cette petite fille en train de prier devant une bougie. Sa prière semble toute simple, les mains ouvertes. On voit autour de sa tête comme une auréole, mais de forme bizarre. C'est une manière de dire que la prière nous conduit aussi sur le chemin de la sainteté... mais qu'il y a encore parfols du chemin à parcourir pour que notre auréole soit une véritable auréole de sainteté!
D'ailleurs, la sainteté ne lui vient pas d'elle-même, mais bien de la colombe de l'Esprit Saint. Dans ce 3° vitrail, on retrouve l'Esprit Saint, qui semble traverser la nuit en répandant sa lumière éclatante. Il y a une dynamique, on sent que l'Esprit est en mouvement : il vient parfois nous bousculer, mais toujours pour que nos vies soient plus lumineuses et colorées ! quelques rayons émanent d'ailleurs des sa clarté pour descendre traverser nos vies, et parfois nous rejoindre.
À l'image de la parabole du semeur, nous avons aussi pour mission de transmettre ce que nous recevons de Dieu, même si nous aussi parfois nous rencontrons les ronces, les oiseaux, les cailloux.. et la bonne terre! J'ai à cœur de transmettre - ou tout au moins d'essayer! - la joie de ma foi : si nous croyons que nous sommes véritablement sauvés par Jésus alors nous pouvons croire que nous avons la chance de vivre une «religion de la joie» comme aimait à le dire le Père Sevin (fondateur du scoutisme catholique en France). À la fois dans mes activités avec les jeunes comme dans la réalisation de mes vitraux, je veux transmettre que croire, c'est joyeux ! Que croire en Dieu, cela conduit à croire en soi et en l'autre. Que croire en Dieu, c'est trouver un sens, une espérance plus forte que ce qui peut parfois traverser douloureusement nos vies. C'est pour cela que je choisis souvent des couleurs vives, éclatantes, lumineuses!
1. Détail du vitrail de l'Annonciation. Maubeuge, Institution Notre Dame de Grâce, 2013
2. Détail du vitrail de Notre Dame du Bon Accueil. Raismes, Maison du Diocèse, 2020
3. Détail du vitrail de l'Esprit Saint. Denain, Institution Saint Jean Paul 2, 2023
4. Vitrail du Semeur. Quérénaing, église Saint Landelin, 2024